Sécurité Routière - Faut-il faire peur pour initier le changement ?

sécurité-routière« Sécurité routière, changeons ». Vous n’avez pas pu passer à côté de ce message. En ce qui me concerne, je l’entends souvent à la radio. Il faut reconnaître que La Sécurité Routière réalise très régulièrement des campagnes publicitaires destinée à responsabiliser les automobilistes et changer leur comportement sur la route.

Pour le moins que je puisse en dire, la plupart de ces campagnes sont extrêmement choquantes, surtout les plus anciennes. Je me souviens de campagnes des années 2000 qui font vraiment froid dans le dos. On peut y voir des morts, du sang, des vies brisées… Des court-métrages dignes des films d’horreur / gore. Pourtant, le but de ces réalisations n’est pas le spectacle. Il s’agit de nous sensibiliser à la sécurité routière, pas de faire monter notre adrénaline et cultiver la peur de la route.

Je me suis alors demandé : faut-il nécessairement faire peur pour amorcer un changement dans le comportement des gens ?

Les campagnes de la Sécurité Routière

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je vouslsuggère de visualiser quelques campagnes sur la sécurité routière. Attention, certaines vidéos peuvent choquer les âmes les plus sensibles. Cela nous permettra de poser le cadre de cet article, n’hésitez pas à vous exprimer au sujet de ces vidéos sur les réseaux sociaux NeoPermis.

Soirées alcoolisées, négligences diverses, vitesse trop élevée… Les spots de la Sécurité dénoncent beaucoup de situations qui conduisent à des accidents mortels sur la route. Dernièrement, la campagne « onde de choc », ne joue plus sur la violence visuelle (morts, sang), mais sur la violence psychologique de faire du mal à ses proches et aux autres.

Indéniablement, ces vidéos ont quelque chose qui dérange, quelque chose qui fait peur et qui amène parfois à détourner le regard. La plupart du temps on met en avant les conséquences de l’accident et on accentue le fait qu’on aurait pu l’éviter (arrêt sur image, flashback…).

S’il est vrai que ces spots marquent les esprits et provoquent la peur, peuvent-ils réellement changer le comportement des automobilistes sur le long terme ?

L’usage de la peur dans les spots publicitaires

Le fait de faire peur augmente-t-il l’efficacité d’un spot publicitaire ? Pour sortir du lot, certaines marques n’hésitent pas à faire appel à nos sentiments (notre affect) par le biais de publicités provoquantes, humoristiques ou choquantes.

Pour un organisme d’intérêt public tel que la sécurité routière, le but est de rendre la route plus sûre en sensibilisant et en responsabilisant tous les usagers. Pour cela, leurs spots « marquent les esprits » et mettent en scène des accidents tragiques qui peuvent arriver à « monsieur-tout-le-monde ».

Banalisation de la violence visuelle

Aussi légitime et louable soit la cause que défend la Sécurité Routière, je pense que la diffusion d’images et de scénarios choquants a tendance à banaliser ces images d’accident de la route. Certaines personnes peuvent même être attirées par cette violence visuelle, tandis que d’autres ne pourront tout bonnement pas la supporter. Par ailleurs, les jeunes sont exposés à la violence, au sang et à l’impensable très tôt à travers un grand nombre de séries populaires.

La peur a-t-elle toujours une forte emprise sur un public qui est accoutumé à des images très dures ?

Pour nuancer ce propos, même si la violence graphique est partout aujourd’hui, celle que montre la sécurité routière revêt une dimension tout autre à mes yeux. La véritable force de ces campagnes est la facilité avec laquelle on se projette dans l’accident. Le réalisme et le « ça aurait pu m’arriver » donnent tout leur impact à ces campagnes, nous nous identifions très facilement à ces personnes accidentées.

"Nous nous identifions très facilement à ces personnes accidentées."

La peur permet-elle d’adhérer à des valeurs ?

Cependant, si « marquer les esprits » peut être un objectif en soi, ce n’est certainement pas la finalité de telles campagnes. La finalité est le changement effectif des mauvais comportements sur la route, et éventuellement l’adhésion au message délivré : il ne faut pas conduire sous l’emprise de l’alcool, il ne faut pas rouler trop vite…

Je ne doute pas que la peur puisse nous dissuader d’adopter des comportements à risque. Mais, la peur permet-elle de générer de l’adhésion à un message ?

Si on change de comportement uniquement parce qu’on a peur pour soi et pour ses proches… Que reste-il donc lorsque la peur diminue ou disparaît ? La dissuasion par la peur fonctionne tant que l’individu est conscient d’un risque ou d’un danger lié à son comportement. Avec le temps et l’habitude, nous prenons de l’assurance, et la peur disparaît.

Selon moi, c’est là qu’intervient toute l’importance de faire adhérer à un message, à des valeurs. Là où l’habitude efface la peur, l’adhésion se renforce au fil du temps et donne à l’individu la sensation de réellement défendre une cause. Et si la sécurité routière insistait sur le changement volontaire plutôt que sur le changement enclenché par la menace et la peur ?

  • Avoir peur: ne pas prendre le volant après avoir bu car on craint l’accident et la mort. Cela s’apparente à de la dissuasion. D’après moi, le changement par l’adhésion est fondamentalement différent du changement par la dissuasion. Le deuxième n’est efficace que tant que la peur est bien présente.

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  • Adhérer: ne pas prendre le volant après avoir bu car c’est un principe et une valeur qui nous tient à cœur. Lorsque nous adhérons à un message, nous sommes intimement convaincus de sa légitimité et nous nous faisons un devoir de le transmettre. En devenant acteur du changement, l’automobiliste perçoit son action comme une démarche personnelle et non comme l’épée de Damoclès.

La peur et le tragique sont-ils les seuls moyens pour transmettre le message de la sécurité routière ? Une campagne de sensibilisation à la sécurité routière suisse a joué la carte du choc par l’humour noir pour faire passer son message. Cela change du cadre dramatique et solennel traditionnel des campagnes pour la sécurité routière. En visualisant la vidéo qui va suivre, je me suis demandée si l’humour était adapté pour la sécurité routière. Pourquoi pas après tout ? Et si l’humour marquait autant que la peur ?

N’hésitez pas à donner votre avis sur ce genre de vidéo je suis très curieuse de savoir ce que vous en avez pensé.

- Humour noir – Sécurité routière

En comparaison avec tous les spots que vous avez pu voir par le biais de cet article, voici « Embrace Life ». Il s’agit d’un très beau court-métrage muet réalisé par les anglais qui met l’accent sur les belles choses de la vie que l’on n’aurait pas envie de perdre. Il s’agit d’un spot pour le port de la ceinture : plutôt que de montrer la mort provoquée par son absence, on montre la vie grâce à sa présence. Et si plutôt que de susciter la peur de la mort on suscitait le bonheur de vivre ?

- Embrace life

Ce clip suscite-t-il chez vous de la peur ? Détournerez-vous les yeux en le voyant ? Personnellement je le trouve porteur d’un message positif, je n’ai pas ressenti de peur, mais une volonté de rester en vie.

En conclusion, je pense que ce qu’il manque aujourd’hui à la sécurité routière serait de positiver le bon comportement des conducteurs plutôt que de jouer sur la carte de la peur pour dénoncer les mauvais.

Selon moi, la peur ne permet pas d’adhérer à des valeurs, elle permet juste de faire planer la menace des personnes qui repenseront à la campagne au moment de prendre la voiture après avoir bu. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, mais il manque l’ingrédient essentiel de l’adhésion.

J’ai beaucoup aimé le spot « Embrace Life » car je l’ai trouvé très différents de tous les autres. Les automobilistes devraient être prudents pour continuer les belles choses de la vie. Tourner le message dans ce sens me paraît bien plus positivant.

Dans la communauté, nous n’agissons absolument pas dans le registre de la sécurité routière. Nous sommes « juste » une communauté d’automobilistes qui souhaitent apporter un changement général sur la route : entraide, partage, courtoisie et responsabilité. Cependant, je trouve un écho particulier entre sécurité routière et NeoPermis. Les deux recherchent à initier le changement, c’est sur le sujet et sur la méthode que les choses diffèrent.

« Tant qu’on continuera à penser que ce sont les autres qui conduisent mal sans penser que les autres, c’est nous tous, il y aura des morts sur la route »

Que pensez-vous des campagnes de la sécurité routière axées sur la peur ? Qu’avez-vous pensé de Embrace Life ? La peur reste-t-elle nécessaire pour faire baisser le nombre de morts sur la route ? Exprimez-vous sur les réseaux sociaux de NeoPermis !