Que serait la route sans signalisation 

Limitations de vitesse, cédez le passage, stop, feu rouge… Le territoire français ne manque pas d’indications à destination des automobilistes et des usagers de la route.

shared spaceLes unes sont des limites, les autres sont destinées à aider (à contraindre ?) les automobilistes à se partager la route de manière plus ou moins équitable.

Mais tous ces aménagements signalétiques sur la route n’ont-ils pas plutôt tendance à exacerber les comportements individualistes ?

Et si on limitait la signalétique à son minimum vital ? Et si nous laissions les automobilistes partager la route de leur plein gré ?

Bien sûr, c’est une vision qui peut vous paraître quelque peu utopique

Aujourd’hui, beaucoup d’usagers ne partagent la route que sous la contrainte et la crainte de la contravention. Comment agiraient-ils sans règlementation ?

Je me le demande bien, mais admettons que tout le monde y mette un peu du sien ! :) Le partage de la route est une valeur centrale pour les NeoConducteurs, mais jusqu’où pouvons-nous aller dans le partage ? La réponse peut paraître facile quand on parle de petits villages, mais qu’en est-il lorsque l’on parle d’une immense ville comme Paris ?

Sommaire

> Le concept du shared space

> La signalisation : une sécurité à double tranchant ?

> Problème de confiance des usagers fragiles

> Cyclistes contraints de co-habiter avec les véhicules motorisés

> Moins exposés, les automobilistes feraient la loi

> Mieux protéger les usagers fragiles

Le shared space : nouvel épisode de plus belle la ville ?

Haren_12574Le concept

Tiré de l’anglais, le concept « shared space » signifie « espace partagé ».

L’idée est de rendre les usagers de la route au sens large (automobilistes, cyclistes, piétons…) responsables de leur propre sécurité et véritables acteurs du partage de la route ! La théorie veut que, sans signalisation : les conducteurs deviennent plus alertes et roulent moins vite. Ainsi, il y aurait moins d’accident.

Le principe en bref : épurer la signalisation, la réduire au minimum en laissant subsister une règle : priorité à droite.

Responsabiliser les conducteurs tout en rendant recentrant le design des aménagements sur l’humain et l’interaction plutôt que sur la circulation automobile.

Ce concept, identifié dans les années 2000, semble être très à la mode actuellement, mais est-il réellement à la hauteur de l’engouement qu’il soulève ? Certains pays du nord de l’Europe en ont déjà fait l’expérience.

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La signalisation : une sécurité à double tranchant ?

Selon moi, la signalisation sur la route peut être un outil ou une arme à double tranchant : elle donne des règles communes à chacun, mais lorsqu’une personne enfreint la règle, on part au carton.

Imaginez un instant une personne qui grille un stop devant vous alors que vous étiez persuadé qu’elle allait s’arrêter ? Imaginez un automobiliste qui arrive assez vite et grille le feu rouge tandis que vous vous engagiez au vert, persuadé d’être en sécurité ?

La signalisation pourrait être dé-responsabilisatrice dans un certain sens. On ne se fie qu’aux règles édictées par des panneaux de signalisation en laissant s’endormir notre vigilance et en réduisant la communication avec les autres usagers. L’absence de règle pourrait pousser les automobilistes à sortir de leur bulle pour ouvrir leur conscience à leur environnement.

Après tout, « je suis sur une route prioritaire », ou encore « ce piéton n’a pas le droit de traverser car son feu est rouge » nous déresponsabilise en cas d’accident. C’est l’autre qui est en faute, pas moi. C’est en étant persuadé d’agir dans notre bon droit et en nous comportant comme des automates que nous pouvons créer des situations dangereuses avec des automobilistes déviants.

Les défendeurs du « shared space » déclarent et soutiennent que les expériences ont montré qu’il y a une réduction du danger sur ces espaces et que les usagers s’y sentent plus en sécurité.

Telle n’est pas la vision des détracteurs de ce principe, bien au contraire.

Le shared-space : l’espace où prime la loi du plus fort ?

Le concept du shared space a déjà été testé aux Pays-Bas, dans une municipalité nommée Haren. J’ai pu lire quelques témoignages des résidents de cette ville, il en ressort diverses critiques.

Un problème de confiance

Pour certains, le principe du shared space est une très bonne chose, mais qui ne peut pas marcher à cause d’une minorité d’automobilistes qui ont le goût du risque et de la vitesse. Dans cette idée, il paraît impensable pour certains (les usagers les plus fragiles) de faire confiance aux usagers motorisés qui pourraient être téméraires au volant.

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Les cyclistes contraints de co-habiter avec les véhicules motorisés

La deuxième critique émane plutôt des cyclistes. En effet il semblerait que le principe du shared space détruirait le principe de la ségrégation piste cyclable / route. De sorte que les cyclistes se trouvent contraints de rouler sur le même espace que les automobilistes, quitte à être suivis et doublés par ces derniers.

Je ne sais pas pour vous, mais moi, en tant que cycliste, je déteste avoir une voiture derrière moi. Ça me met la pression. Mais d’un autre coté je suis aussi très embêtée quand je me retrouve derrière eux en ville au volant de ma titine.

Les cyclistes sentent qu’il y a moins de plaisir à circuler en vélo au milieu des voitures. Par ailleurs, en totale opposition avec le discours des « pro shared-space », ils se sentiraient moins en sécurité.

Ils reprochent à ce système de les mettre en permanence sur le qui-vive pour éviter une collision. Inutile de vous dire qui souffre le plus dans une collision entre un vélo et une voiture, même à 30 km/h. C’est là la principale critique, les usagers fragiles doivent être doublement alertes à cause du shared space et de l’absence de pistes cyclables.

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Moins exposés, les automobilistes feraient la loi

En soi, ce n’est pas tant le principe du shared space lui-même qui est critiqué. C’est plutôt la domination de l’automobile sur ces espaces. L’automobile est mise sur une sorte de pied d’égalité avec les autres usagers fragiles tels que les piétons.

De plus, quand le trafic est assez dense, la présence des automobiles se fait bien plus ressentir que celle des autres usagers.

Sans les voitures, les usagers se plaisent dans les espaces partagés. Bon, on ne va pas partir dans le débat de la suppression des voitures en ville.

En principe, il y a des règles de priorité, mais certains usagers fragiles sont intimidés par les véhicules motorisés et n’osent pas s’engager. Certains reprochent même aux véhicules motorisé de ne laisser passer les piétons qu’en de trop rares occasions.

Où est le partage dans ce cas-là ? Est-ce que les automobilistes ne se tailleraient pas la part du lion ?

Malheureusement, nous ne sommes pas dans un monde parfait peuplé de personnes forcément altruistes. La nature humaine, une sorte d’instinct de survie sociale, qui semble axée sur l’égo.

Je le conçois très bien, imaginez une personne âgée qui circule en vélo : une vidéo en caméra cachée montre bien que ces usagers n’ont pas confiance et descendent de leur vélo pour traverser depuis les espaces dédiés aux piétons.

Il semblerait qu’il faille s’imposer un peu pour évoluer correctement dans ces espaces face aux véhicules motorisés. Par ailleurs, les parents non plus ne sont pas convaincus, ils sont nombreux à confier qu’ils ne laisseraient pas leurs enfants circuler sur ces espaces partagés sans une vive inquiétude.

Bien sûr, le principe du « shared space » implique que nous ayons foi en la nature humaine. Malheureusement, comme vous devez vous en douter, il y aura toujours une poignée d’irréductibles individualistes qui mettra en échec le principe du partage… D’autre part, il semblerait que le « partage » ne se fasse pas de façon égale à cause des voitures.

En conclusion

Mieux protéger les usagers fragiles

En effet, en termes de fragilité et d’exposition aux risques, on conviendra bien volontiers que la voiture n’a absolument rien à voir avec les cyclistes et les piétons. L’automobiliste est dans une sorte de forteresse de taule qui ne craint pas grand-chose face à un corps humain, il y a de quoi prendre de l’assurance pour les uns, et avoir peur pour les autres.

Réduire la signalétique pour augmenter le niveau de vigilance, pourquoi pas. Cependant le shared space n’est peut-être pas complétement abouti pour proposer un espace vivable pour tous les usagers de la route.

Il doit notamment offrir de meilleures garanties de sécurité pour les plus vulnérables : les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées… La signalisation n’est pas uniquement destinée aux automobilistes, et elle n’est pas nécessairement une contrainte. Elle peut être un outil salvateur pour certaines personnes, je pense notamment aux piétons malvoyants ou aveugles.

De plus, que dire du shared space dans des zones de fort trafic ? Que donnerait ce concept dans une ville bondée telle que Paris ?

Si le concept du shared space peut contribuer à augmenter la vigilance des automobilistes et à réduire leur vitesse, il ne permet en rien de réduire le nombre de véhicules en circulation. Or, la densité de la circulation des automobiles peut avoir un rôle important dans les objections soulevées à l’encontre du concept shared space.

A vos claviers ! Le concept du shared space est-il selon vous un pas en avant pour la sécurité où un pas en arrière vers le chaos ? Exprimez-vous sur NeoPermis !